Récit-Néma : Portrait d'une Amérique désenchantée

Prologue

Au début des années 70, Joseph Strick, personnage aux milles vies, tour à tour soldat, pilote, camerman, homme d'affaire prospère, réalisateur... se souvient qu'il a aussi été routier le temps d'un été et décide de tourner un film sur le sujet.  Le long métrage sort sur les écrans en 1974.

Janice et les ennuis

Le synopsis raconte l'histoire de deux camionneurs indépendants, Hank (Barry Bostwick) et Gil (Robert Drivas). La vie est rude et les affaires ne florissent guère. Dans un restaurant routier, ils rencontrent Janice (Regina Baff), une prostituée qui vient de se faire jeter d'une automobile. Elle se vend aux deux hommes pour quelques dizaines de dollars. En route pour Chicago, dans la couchette du camion, Gil devient violent et frappe Janice. La fille de joie ne va pas manquer de se venger en créant mille ennuis aux deux compères. Elle va entretenir avec eux une relation très ambigue, les aidant parfois, leur plaçant des bâtons dans les roues le plus souvent.

Tableau noir

Road Movie esquisse le tableau d'une Amérique usée et désabusée. Le trio traverse des lieux glauques, sales, des zones industrielles en décomposition, des cimetières de voitures, des terrains vagues couverts de déchets douteux, des restaurants interlopes... autant d'espaces peuplées de fantômes  désanchantés : les oubliés du rêve américain. La pluie, le froid, les policiers véreux, les patrons cyniques, les arrières cours crasseuses d'usines en déhérence, les voleurs... elle est loin l'image fantasmée de voyages enjoleurs dans une Amérique mythique et triomphante ! 

Au fil de la route...

En toute logique, le film montre de très nombreux véhicules industriels, des camions surtout (Dodge, GMC, International, White, Brockway...) mais aussi la pelle géante Marion 5760 "The Moutainer" en action. Le sujet principal demeure le Peterbilt 351 que conduisent Hank et Gil. Un camion très prisé des cinéastes, puisqu'on le retrouve également dans Duel (1971) et Massacre à la tronçonneuse (1974). Le tracteur porte les stigmates d'une vie de labeur : aile avant enfoncée, jantes de couleurs différentes à droite (grises) et à gauche (rouge), peinture rayée et maculée. Il est marié à une semi remorque réfrigérée qui n'est pas en meilleur état.

En somme il tranche avec l'image que l'on se fait du camion d'outre-Altantique, rutilant, scintillant de chromes et bichonné par son propriétaire. S'il est aisé de trouver des informations sur les camions de Duel, leurs origines, leurs devenirs, ce n'est pas le cas pour ce 351, appartenant, il est vrai, à une oeuvre plus confidentielle.

Epilogue

Road movie est un film qui vaut la peine d'être vu, surtout si l'on apprécie les camions, on sent un réel intrêt pour le sujet de la part du réalisateur. Une oeuvre humaniste qui rend hommage aux hommes de la route.